Guindo Abdoulaye

Le désert ou l’océan, Oumar n’a pas peur de mourir et pourtant…

« Si on est traité comme de la merde dans notre propre pays, qu’est-ce que cela peut bien faire qu’on aille mourir dans le désert ou en Méditerranée ? Ce n’est pas de gaîté de cœur que nous quittons nos familles. Au Mali, la corruption érigée en mode de gouvernance a enterré tout espoir pour nous autres enfants de pauvres. Si je meurs, on pourra dire que c’est mon destin et si j’arrive à traverser le désert et l’océan pour réussir en Europe, on dira que c’est aussi mon destin. »

Ces explications avancées par le jeune Oumar, candidat à l’immigration clandestine que nous avons rencontré à Gao, illustrent la cause principale de tous les départs vers l’Eldorado européen.

Pour faire fortune et surtout fuir les difficultés qu’ils rencontrent dans leur pays, plusieurs milliers de jeunes Africains, notamment du Mali, prennent la route de l’exode. Entassés dans des barques de fortune, ces immigrés meurent par milliers.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en 2017, ce sont plus de 3 100 migrants qui ont trouvé la mort en essayant de traverser la Méditerranée. Depuis janvier 2018, plus de 1 000 migrants sont morts en tentant de rejoindre l’Italie via la Libye et 1 987 personnes ont perdu la vie ou disparu sur les différentes routes de migration. Toujours selon l’OIM, depuis 2014, 17 000 personnes ont déjà perdu la vie en Méditerranée.

Que faire pour que l’océan Atlantique ne soit plus un cimetière pour nos migrants ?

Malgré ces drames, l’émigration clandestine fait de la résistance en Afrique, particulièrement au Mali. Les quelque 4 millions de nos compatriotes qui vivent à travers le monde transfèrent chaque année, selon la Banque africaine de développement, la somme de 456 millions d’euros. Cela donne un montant équivalent à plus de 4 fois l’aide publique au développement accordé au Mali.

L’émigration étant un phénomène culturel dans mon pays, il serait préférable qu’elle soit organisée, car vouloir la combattre est un rêve. Cette organisation passe d’abord par plus de sensibilisation sur les risques de l’émigration clandestine. Déjà, le gouvernement multiplie des initiatives aux côtés d’autres structures comme « le projet Migrant ». Ce projet sensibilise aux risques de l’émigration irrégulière.

Lire aussi : Mali: une ONG lance un programme de sensibilisation pour les candidats au départ

Il serait judicieux d’accroître la sensibilisation sur les risques de l’émigration clandestine vers l’Europe. Ces risques sont, entre autres, les dangers de la traversée, le kidnapping, l’esclavage, la détention, etc.

Je propose qu’il soit démontré aux candidats à l’émigration que l’Europe d’aujourd’hui n’est pas celle des années de prospérité, époque où ce continent avait besoin d’une main-d’œuvre bon marché.

En outre, il faudrait créer des bureaux de recensement des candidats à l’émigration. Ces bureaux en collaboration avec les pays d’accueil pourraient faire partir ceux dont les profils correspondent aux offres d’emplois disponibles. La finalité est de lutter contre la pauvreté ; cela passe impérativement par une vraie lutte contre la corruption, la délinquance financière et une répartition équitable des ressources de l’Etat. Seul à ce prix, nous pourrions éviter que d’autres Oumar ne prennent la route de l’Europe, même si les risques de mourir noyé dans la méditerranée sont grands.


Diplomatie malienne: Kamissa Camara déchargée du dossier toxique du nord

Nommée dans le premier gouvernement du second mandat d’Ibrahim Boubacar Keita, en qualité de ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Kamissa Camara frappe par sa jeunesse (35 ans) et son charisme. Des commentateurs lui ont donné le qualificatif de « sourire du gouvernement » car elle apparaît toujours avec une mine réjouie. Sa nomination matérialise aussi la promesse du président IBK de faire de son second mandat celui de la jeunesse.

Kamissa Camara déchargée du dossier toxique du nord

Mais le débat suscité par la nomination de Kamissa Camara  porte surtout sur sa capacité à diriger un département aussi stratégique que celui des Affaires étrangères. Elle a certes une certaine connaissance du Sahel mais on doutait qu’elle puisse conduire n’a l’épineuse mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation, un très dossier qui comporte à la fois des volets diplomatiques, sécuritaires et économiques.

Le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, sans doute habité par les mêmes interrogations, vient de mettre fin au débat. Dans une lettre adressée au président fu Comité de suivi de l’accord de paix (fac simile), il a déchargé Kamissa de la gestion de l’accord qui, souligne-t-il, relève de la compétence exclusive de Lassine Bouare, ministre de la  Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale et précédemment directeur de cabinet du Premier ministre. En clair, la gestion du dossier se fera directement par Soumeylou Boubeye Maiga et son bras droit: Lassine Bouaré. Précision utile: depuis 2013, un ministère dédié à la réconciliation a toujours existé mais les ministres successifs des Affaires étrangères ont toujours géré le dossier de l’accord. Pourquoi alors le retirer des missions de Kamissa Camara ? Sans doute pour prendre en compte les inquiétudes liées à son jeune âge et à son inexpérience de terrain. Certes, elle a le diplôme requis mais les sables mouvants du désert malien demandent une expertise de terrain que seuls les vieux routiers possèdent. D’autant que les groupes armés qui peuplent le paysage local sont loin d’être des enfants de cœur. Au reste, dans les cinq pays disposant du droit de véto à l’ONU (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande Bretagne et France), la moyenne d’âge pour diriger les Affaires étrangères est de 52 ans  et tous les ministres du secteur sont des diplomates chevronnés.

Les mauvaises langues racontent que Kamissa est nommée pour ne rien faire. Mais on peut avoir une autre lecture : en la déchargeant du dossier toxique du Nord, ses chefs ont peut-être voulu simplement la protéger.

Abdoulaye Guindo   


Contre les manifestants, l’Etat malien durcit le ton

Au Mali, ces derniers mois, le pouvoir n’a cessé de reculer face aux mouvements syndicaux et de rue. La preuve : l’abandon du projet de loi référendaire, l’abandon de la loi sur l’enrichissement illicite, l’abandon des poursuites contre le chroniqueur Ras Bath… Mais IBK semble vouloir sonner la fin de la récréation. Il compte, pour mettre en musique sa nouvelle stratégie, sur le nouveau Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maiga, connu pour son  profil de « sécurocrate » depuis les années 1997 alors qu’il dirigeait la Sécurité d’Etat. Les forces de l’ordre ont apparemment acquis les dotations nécessaires pour disperser tout regroupement suspect. Depuis un certain temps, les marcheurs et manifestants de tout bord se font copieusement mater.

Contre les manifestants, l’Etat malien durcit le ton

Les femmes de HUICOMA matées

Les premières à en avoir fait les frais sont les femmes des travailleurs compressés de l’huilerie cotonnière du Mali (Huicoma), une usine publique qui avait son siège à Koulikoro, capitale de la deuxième région administrative du Mali. Leur marche a été violemment réprimée au moment où elles se dirigeaient vers le palais présidentiel de Koulouba pour manifester leur mécontentement au Président de la République. C’était le jeudi 4 janvier 2017. Parties de Koulikoro à bord de dix minibus « Sotrama », les manifestantes seront priées de renoncer à leur marche par la police qui les a abordées au niveau du quartier de Boulkassoumbougou, en commune 1 de Bamako. Faisant mine d’accepter la demande des policiers, les dames se donnent le mot pour quitter les Sotrama et poursuivre leur chemin à pied.  Arrivées à l’école centrale pour l’industrie, le Commerce et l’administration (Ecica), presque au pied de Koulouba, les manifestantes sont dispersées par les forces de l’ordre à coup de gaz lacrymogènes. Très fâchées, elles rappellent aux journalistes que le chef de l’Etat leur avait promis de régler  en deux mois les arriérés de droits, dûs à leurs maris (8 milliards de FCFA). « Nous sommes à Bamako avec nos linceuls et nous ne rentrerons pas à Koulikoro sans nos sous »,  indiquent certaines manifestantes.

Les jeunes de « Watti Sera » matés

Après les femmes de Koulikoro, ce fut le tour des jeunes du mouvement « Wati Sera ». Ces jeunes ont décidé de marcher contre la politique française au Mali, qu’ils jugent partiale et favorable aux rebelles du nord. Les manifestants choisissent la date du mercredi 10 janvier 2017, veille de l’anniversaire de l’intervention militaire française au Mali, pour marcher devant l’ambassade de France. Les marcheurs, au petit matin du 10 janvier, se regroupent devant la Bourse du travail, point de départ de la marche. Le commissaire de police du 1er arrondissement de Bamako, présent avec ses hommes devant la Bourse, demande aux jeunes marcheurs de renoncer à leur manifestation au motif qu’elle n’est pas autorisée. Malgré l’impressionnant dispositif sécuritaire, les marcheurs se résolvent à poursuivre leur mouvement vers l’ambassade de France. Après avoir entonné l’hymne national du Mali, ils prennent la route de l’ambassade en scandant des expressions comme: « La France soutient les rebelles », « Paris libérez le Mali », « Le Mali est indivisible »

Les forces de l’ordre donnent alors la charge pour disperser les marcheurs. Une grande quantité de gaz lacrymogène et de coups de matraque sont distribués. Dispersés, les marcheurs se retrouvent cependant par petits groupes devant l’ambassade de France. Ils tombent là sur un autre dispositif de sécurité qui les gaze et les matraque. La police procède même à l’interpellation de cinq manifestants. Conduits au commissariat de police du 1er arrondissement, ils seront libérés quelques heures plus tard.

Les Amazones matées

Vendredi 12 janvier 2017, un autre mouvement remet le couvert. Il s’agit du collectif de femmes dénommé « les Amazones » qui tient à faire un sit-in devant l’Assemblée nationale pour exprimer sa colère face à la recrudescence des violences faites aux femmes dans le pays. Pour l’occasion, plusieurs femmes sont habillées de tee-shirts noirs sur lesquels on peut lire  »non aux violences faites aux femmes ». Femmes pacifistes manifestant seulement pour défendre un principe (et non pour réclamer des doléances matérielles), ces femmes ne s’attendent pas au comité d’accueil positionné devant l’Assemblée par la police. Après s’être installées devant le parlement, les dames reçoivent l’ordre de dégager, le sit-in n’ayant pas été autorisé. Elles refusent au motif que manifester est un droit constitutionnel. Les forces de l’ordre passent à l’attaque. Un déluge de gaz lacrymogène et de coups de matraque s’abat sur les femmes, faisant quelques blessées.

Chassées de l’hémicycle, les manifestantes se dirigent vers la Maison de la presse. « Nous étions allées à l’Assemblée pour exiger le vote rapide du projet de loi portant la répression des violences faites aux femmes. Nous les femmes, nous sommes régulièrement battues par nos maris. Il faut que cela cesse. Et que dire de la police qui nous empêche de marcher aujourd’hui? Ils nous ont gazées et ont même battu certaines d’entre nous. Ce régime est devenu une dictature! », déclare Diakité Kadidia Fofana, la présidente des Amazones.

Les jeunes chômeurs matés

Le « Mouvement national des chômeurs » aura lui aussi sa dose de gaz lacrymogène et de bastonnade. Ce mouvement regroupe des jeunes qui croient bon de réclamer les 200 000 emplois promis par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita. Ils organisent donc une marche sur Koulouba, siège de la présidence. La violence des forces de l’ordre à leur égard sera extrême. Des journalistes seront aussi victimes  de la répression, victimes collatérales.

La riposte s’organise

Face à la nouvelle tactique de répression adoptée par le gouvernement, les groupes de la société civile organisent la riposte. Ils prévoient de s’unir dans le cadre d’une grande marche contre ce qu’ils considèrent comme un danger pour la liberté d’expression. Selon nos sources, les responsables de ses associations estiment que les manifestants sont gazés du fait de leur petit nombre. Ils promettent donc de mettre dans les rues de Bamako 50 000 manifestants. « La police ne peut réprimer une foule de 50 000 personnes dans la rue », analyse un chef d’association. On attend la suite…

 


Enquête sur le Mali, un Etat qui a perdu toutes ses dents

L’Etat malien n’est plus seulement faible, il se trouve littéralement à terre. Tel est le malheureux constat qui se dégage d’une longue série de faits que je rappelle à votre bon souvenir.

Référendum au Mali: le président enterre le projet sans l’avouer

Le nord et le centre hors de contrôle

En 2014, suite à la visite mouvementée du Premier ministre Moussa Mara et à la guerre qui s’ensuit, l’Etat malien perd à Kidal la présence symbolique de ses forces armées et de son gouverneur. Le gouvernement ne contrôle plus, depuis, qu’une partie du nord du pays. Le reste étant occupé par des factions rebelles et des groupes terroristes qui y font la pluie et le beau temps. Quant au centre du Mali, le gouvernement n’y contrôle que les grandes zones urbaines : l’essentiel du territoire vit sous la coupe des bandits armés. Ces derniers poussent leur avantage militaire jusqu’à frapper régulièrement nos forces dans la région de Ségou. Des attaques meurtrières ont endeuillé Nampala, Niono, Diabali et Dioro.

La faiblesse de l’Etat malien ne s’arrête pas au problème territorial. Depuis un certain temps, il n’arrive plus à faire appliquer la moindre de ses décisions au sud, où le territoire reste officiellement dans ses mains. Quelques exemples en font foi.

L’affaire Ras Bath

Accusé d’incitation à la désobéissance des troupes après une chronique sur une radio locale, le journaliste Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath est condamné à un an de prison ferme et 100.000 FCFA d’amende le mercredi 26 juillet 2017. En voyage à l’étranger, Ras Bath n’a pu se présenter à ce procès dont ses avocats avaient vainement réclamé le report. Pour les milliers de partisans du chroniqueur, sa condamnation à une peine ferme signifie qu’à son retour à Bamako, il sera conduit en prison. Cette perspective met en ébullition les milliers de jeunes gens qui prennent Ras Bath pour le Messie. Ils avaient, quelques mois auparavant, obligé les juges à le libérer. Ces groupes de jeunes promettent donc l’enfer au gouvernement, au cas où le chroniqueur serait inquiété à son retour d’Europe.

Ces menaces ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd. Lors d’une conférence de presse convoquée d’urgence le 27 juillet, le procureur de la commune 4 de Bamako, Dramane Diarra, annonce, la main sur le cœur, que Ras Bath ne sera pas arrêté. Ce que dit le procureur s’explique en droit puisqu’une peine ferme non assortie de mandat de dépôt à l’audience est suspendue par l’appel du prévenu. La faiblesse de l’Etat se déduit plutôt de l’urgence que le procureur a éprouvée d’annoncer que le prévenu ne serait pas arrêté. Effectivement, depuis son retour d’Europe, Ras Bath, libre comme l’air, va de ville en ville prêcher son message pour l’alternance en 2018. Sa peine ? On verra après les élections…

Le projet de révision de la Constitution

Dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le gouvernement initie un projet de révision constitutionnelle. Le collège électoral est convoqué pour un référendum fixé au 9 juillet 2017. Dès cette annonce, des voix s’élèvent pour s’opposer au projet jugé inopportun en raison de la situation sécuritaire du pays. La première marche de protestation est organisée le jeudi 8 juin 2017 par le mouvement « Trop C’est Trop ». Rendez-vous est pris par les anti-référendum devant la Bourse du travail de Bamako pour une marche sur la primature. Une seconde marche se tient le 10 juin 2017, dispersée, comme la première, par les forces de l’ordre. C’est alors qu’aux marcheurs de  » Trop C’est Trop » se joignent 100 associations et 40 partis politiques opposés à la révision constitutionnelle.

Ensemble, ils mettent sur pied la plateforme  « Antè ! A bana: Touche pas à ma Constitution ». Samedi 17 juin, la Plateforme organise sa première marche qui mobilise des milliers de manifestants. Elle exige un retrait pur et simple du projet de révision constitutionnelle. Elle organise un meeting le samedi 1er juillet 2017, au moment même où se déroule à Koulouba le sommet du G5 Sahel. Une deuxième marche est organisée le samedi 15 juillet 2017 à Bamako et dans plusieurs autres localités pour inviter le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) à retirer le projet. Le 7 août 2017, à travers une lettre ouverte, la Plateforme lance au président IBK un ultimatum, lui intimant de retirer son projet au plus tard le mardi 15 août 2017 à minuit.

Le samedi 12 août 2017, le chef de l’Etat reçoit à Koulouba des leaders religieux et notabilités traditionnelles qui (par hasard ?) lui demandent de surseoir au référendum. Comme s’ils étaient soudain devenus experts en droit, ils vont jusqu’à rappeler que le sursis respecterait les directives de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Ces directives interdisent tout référendum à moins d’un an des élections générales ! Le communiqué des leaders religieux et traditionnels fait l’objet d’une diffusion immédiate sur la chaîne publique ORTM, qu’on a connue plus lente dans ses reportages. Ainsi, dimanche 13 août 2017, dans un message à la nation, le président IBK annonce lui-même le sursis au projet référendaire. Une vraie capitulation !

La loi contre l’enrichissement illicite

Quand on s’en tient aux statistiques évoquées ci-dessus, on peut prédire que le gouvernement fera bientôt une nouvelle reculade, cette fois devant la levée de boucliers des syndicalistes contre la loi sur l’enrichissement illicite. Le Syndicat National des Travailleurs de l’Administration d’Etat (SYNTADE) jure de mettre en échec cette loi qu’elle juge « discriminatoire et injuste ». Selon lui, cette loi a pour seul but d’empêcher les fonctionnaires de l’Etat de vivre à l’aise. Le SYNTADE, suite à une rencontre tenue dimanche 16 juillet à la Bourse du travail, a demandé à ses militants sur toute l’étendue du territoire national de ne pas signer les formulaires de déclaration de biens que leur a envoyés la Commission de lutte contre l’enrichissement illicite. Dans la foulée, il a observé une grève d’avertissement de 72 heures dans tous les services de l’Administration d’Etat du mercredi 25 octobre au vendredi 27 octobre 2017. Le syndicat promet une nouvelle grève de 5 jours du 6 novembre au 10 novembre 2017 si le gouvernement ne fait pas abroger la loi. D’ailleurs, le syndicat vient de lever ce nouveau mot de grève. En effet, le gouvernement a pris l’engagement de retirer la loi.

 L’expulsion du gouverneur de Gao

Nommé gouverneur à Gao, Seydou Traoré se brouille vite avec la population qui lui reproche son mépris des administrés : il a notamment refusé de leur prêter la salle de conférences du gouvernorat pour une réunion sur la crise du nord. Il a aussi refusé de charger les forces de l’ordre de sécuriser la rencontre qui, finalement, sera sécurisée par des milices armées. Samedi 3 juin 2017 donc, des organisations de la société civile de Gao demandent le départ du chef de l’Exécutif régional. Elles préviennent que si l’intéressé reste encore en ville à la date du 12 juin 2017, elles empêcheront toute administration d’ouvrir ses portes à Gao. Sous la pression populaire, le gouvernement est contraint de relever Seydou Traoré de ses fonctions.

Le maire expulsé de la commune de Boron

Alou Doucouré, confirmé maire de Boron par un arrêt de la Cour suprême du Mali, ne peut mettre les pieds dans sa commune ni dans ses bureaux. La décision judiciaire est contestée par la population depuis un mois, ce qui empêche l’investiture du maire. Pour rappel, suite aux municipales du 20 novembre 2016 dans la commune de Boron, la liste PARENA conduite par Bakary Diané est classée première. Elle est attaquée devant le tribunal administratif de Bamako par Alou Doucouré, tête de liste du CNID. La justice tranche en première instance en faveur de la liste PARENA. Doucouré fait monter l’affaire devant la section administrative de la Cour suprême qui annule les suffrages exprimés dans 4 villages, ce qui fait perdre à la liste PARENA un conseiller communal au profit du CNID. Du coup, l’élection de Bakary Diané comme maire est invalidée au profit de Doucouré.

La population de Boron ne l’entend pas de cette oreille. Elle s’oppose à l’intronisation à la mairie. Le préfet de Banamba, venu installer Doucouré, est chassé par les habitants de Boron. Le gouverneur de Koulikoro, Sékou Coulibaly, se rend à son tour à Boron avec une dizaine de véhicules remplis de soldats. Malgré cet impressionnant dispositif, le gouverneur est empêché de s’approcher de la mairie par une foule en délire et il échoue à installer Doucouré dans ses fonctions de maire. Doucouré se fait alors introniser le 3 août 2017 à Banamba, très loin de la commune de Boron. Depuis cette date, la mairie de Boron est fermée, la population en refusant l’accès au maire Doucouré.

Le pire, c’est que pour récupérer son fauteuil, le maire Doucouré crée une milice armée formée de jeunes de sa ville natale : Danfan. Bien qu’averti de l’imminence d’affrontements armés entre la milice de Doucouré et les chefs des 47 villages opposés à son élection, l’Etat reste immobile. A terre…


Le mouvement jeune et citoyen malien « Trop, c’est trop » à Kidal

Le mouvement jeune et issu de la société civile, Trop, c’est trop, qui s’est illustré dans la lutte contre le référendum constitutionnel au Mali s’est rendu à Kidal pour préparer l’opération de communication caravane de paix. Cet événement dénommé  » Awnaf In Kidal «  a voyagé du 6 au 9 octobre 2017. Votre serviteur était de la délégation.

Voyage à Kidal: Ce que le blogueur a vu et entendu

Le voyage sur Kidal

Le jeudi 6 octobre, jour du départ, nous nous rendons à 4 heures du matin à l’aéroport de Bamako-Sénou comme indiqué sur nos billets d’avion. Le départ pour Kidal est prévu pour 6h 45. Après les formalités d’usage, nous embarquons à bord d’un Antonov de la Mission Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali (MUNISMA) vers 6h15. A 6h45, la trentaine de passagers décolle pour Gao, ville de transit.

Après 2 heures de vol, l’avion atterrit à l’aéroport de Gao. Sur la trentaine de passagers, nous sommes 14 à continuer sur Kidal. A l’aéroport de Gao où nous faisons escale, je suis brûlé de soleil. En effet, ayant fait l’objet de plusieurs attaques terroristes, l’aéroport n’est plus que l’ombre de lui-même. Même pas d’endroit où s’asseoir et prendre le frais.

Après une heure d’attente, les 14 passagers embarquent dans un hélicoptère de la MINUSMA. Destination : Kidal, ville distante de 300 km. Le vol dure 1h30. Nous sommes trois responsables de  » Trop c’est trop « ; les autres passagers sont des militaires tchadiens et des dirigeants de la CMA. L’appareil est piloté par des casques bleus néerlandais. A 11h 15 exactement, l’hélicoptère se pose dans l’héliport du camp militaire partagé entre la MINUSMA et la force française Barkhane.

Notre arrivée coïncide avec une manifestation contre cette force devant l’entrée principale du camp. Nous sommes alors bloqués plus d’une heure dans le camp. Nous apprenons que les manifestants ont mis le feu à un hangar. De l’intérieur du camp, nous voyons de la fumée noire monter au ciel. C’est seulement vers 14h que nous regagnons notre logement après le retrait des manifestants. Nous prenons nos quartiers dans une villa climatisée mise à notre disposition par les responsables de la Coordination des Mouvements Armés de l’Azawad (CMA) qui ont été associés à notre voyage. Aucun symbole de l’Etat Malien n’est visible dans la ville de Kidal. Après un repos mérité, nous visitons la ville objet de toutes les curiosités et de toutes les polémiques.

Kidal, la Cité rebelle

A première vue, Kidal ne ressemble pas à ce que vous lisez dans les journaux. La première chose qui vous frappe, c’est l’inexistence de l’Etat malien. Malgré la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation dans lequel où la CMA s’engage à reconnaître l’intégrité territoriale du Mali, vous ne verrez aucun symbole de l’Etat malien. Sur tous les édifices publics flotte le drapeau de l’« Etat de l’Azawad ». Lorsque vous croisez des enfants dans rues et qu’ils comprennent que vous êtes un étranger, ils ne mettent à scander: « Vive l’Azawad!Vive l’Azawad ! « .

Même le gouverneur nommé par le gouvernement malien est sécurisé, non pas par des militaires maliens (chassés d’ici depuis 2014), mais plutôt par 150 hommes de la CMA. Ces hommes mis à la disposition du gouverneur l’escortent à chacun de ses déplacements.

Une autre chose qui vous frappe : quand vous vous promenez dans Kidal, vous ne croisez aucun homme armé. Les combattants de la CMA sont seulement visibles aux postes d’entrée de la ville. Ceux pointés devant le domicile du gouverneur sont les seuls visibles en ville.

En ce qui concerne les activités économiques, Kidal vit normalement.  Chacun vaque à ses occupations comme à Bamako. Les commerces sont ouverts, les ateliers de couture, de soudure, de menuiserie fonctionnent comme partout ailleurs au Mali. Ils sont presque tous tenus par des Maliens non originaires de Kidal. Dans notre balade, nous avons rencontré le nommé Issa Koné, un natif de Sikasso, qui réside à Kidal depuis une dizaine d’années et fait de la décoration.

Il nous explique qu’il n’a jamais eu de problème depuis qu’il venu s’installer à Kidal. Nous avons aussi rencontré un couple nigérian qui tient la plus grande alimentation de la ville. Ce couple d’aventuriers, qui se rendait en Algérie, a décidé de rester à Kidal après avoir été dépouillé par des passeurs. Installé depuis 2004, il vit bien de son commerce alimentaire. La ville compte en somme une forte communauté de Maliens non originaires de Kidal qui y vivent depuis plusieurs années.

A Kidal, les services sociaux de base sont ceux qui manquent le plus. L’école, depuis 2012, reste fermée. L’électricité fonctionne seulement de 9 heures à 16 heures. Les plus nantis font marcher des groupes électrogènes. Quant à l’eau, elle reste une denrée rare. Les quelques châteaux d’eau qui fonctionnent encore alimentent la ville tant bien que mal.

Tous les anciens bâtiments de l’État, qui ont été criblés de balles pendant les différents affrontements, restent abandonnés. Selon un ressortissant de la ville, la première raison des rebellions à Kidal est le manque de développement. « Dans toute la région de Kidal, vous ne verrez pas 10 km de goudron et cela, depuis l’indépendance ! », nous confie notre interlocuteur.

Haine pour l’armée malienne et les forces étrangères

Après avoir été chassée de la ville lors de la visite controversée du Premier Ministre Moussa Mara, l’armée malienne n’est plus la bienvenue à Kidal. Elle n’y dispose plus d’hommes ni de locaux. Son ancienne base est actuellement occupée par la MINUSMA et Barkhane.

Si, pour beaucoup de Maliens, l’armée française soutient les groupes armés rebelles qui tiennent la ville et empêche l’armée malienne d’y retourner, ce n’est pas l’impression que vous avez lorsque vous arrivez à Kidal. En effet, dès votre entrée à Kidal, vous percevez chez les habitants un très net sentiment anti-français qui prend grandissant. Depuis plusieurs mois, les manifestations populaires contre la force Barkhane ne cessent de prendre de l’ampleur.

Elles ont connu une forte recrudescence depuis l’opération nocturne de la semaine dernière, qui a vu la force Barkhane arrêter 7 personnes chez un notable de la ville. Depuis le lundi 2 octobre donc, presque tous les jours, les enfants et femmes manifestent devant le camp de la force Barkhane. Le mercredi 4 octobre, les manifestants mécontents ont mis le feu à un camion à incendie de l’aéroport et à deux autres véhicules. Le vendre 6 octobre, les hangars situés à l’entrée du camp de Barkhane ont été incendiés.

En plus de ces manifestations, sur presque tous les murs de la ville, on peut lire des messages de haine envers la France et sa force militaire Barkhane. On peut lire, entre autres: « Barkhane dégage! », « C’est la France, les terroristes », « la France bafoue les droits de l’homme », » les soldats français volent les biens de la population »,  » Vous n’êtes pas les bienvenus chez nous. Dégagez ! « . Durant notre séjour, nous n’avons vu aucune patrouille des soldats français dans la ville. Ils restent enfermés dans leur camp.

Même son de cloche chez la MINUSMA. Aucun véhicule de la MINUSMA ne sort du camp, bien que cette force dispose de véhicules blindés. Si la force Barkhane est prise pour cible par les populations, la MINUSMA, quant à elle, fait plutôt l’objet d’attaques des groupes terroristes. Aujourd’hui à Kidal, la MINUSMA est cantonnée: aucun agent de cette mission ne se hasarde à sortir. L’entrée du camp est tenue par des soldats guinéens.

Et la caravane ?

En ce qui concerne la caravane dont la préparation est l’objet de notre visite, nous avons rencontré l’Union des jeunes de l’Azawad, l’Association des femmes de l’Azawad et les notabilités locales. Ils ont tous salué l’initiative qui, pour eux, entre dans le cadre de la consolidation de la paix. Cependant, ils ont demandé un temps pour étudier le projet de caravane et y apporter des observations.


Grave faute stratégique: Le Mali va injecter 2194 milliards de FCFA au nord avant 2020

Dans l’accord pour la paix et la réconciliation signé entre mon pays, le Mali et les groupes armés du nord, chaque partie a pris des engagements. Ainsi, dans les articles 33 et suivants, le gouvernement s’engage à créer une zone de Développement des Régions du Nord, dotée d’un Conseil consultatif interrégional et chargé de la coordination des moyens en vue d’accélérer le développement socio-économique local. En outre, le gouvernement s’engage à doter la zone de stratégies  destinées à hisser les régions du Nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs de développement et ce, dans un délai de 10 à 15 ans.

Le Mali va injecter 2194 milliards de FCFA au nord avant 2020

 Le Mali tient à respecter ses engagements

Il semble que le Mali compte tenir ces engagements. En effet, le gouvernement vient de valider la stratégie spécifique de développement des Région du Nord (Gao, Ménaka, Tombouctou, Taoudéni, Kidal). Cette stratégie couvre la période 2016-2018. D’un coût de 2.194 milliards de FCFA, ce vaste programme de développement des régions nord sera financé par le Mali avec le soutien de partenaires comme la Banque Islamique de Développement (BID), la Banque Africaine de Développement (BAD) et  la Banque Mondiale. Visant de la validation de la stratégie, le Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maiga a déclaré qu’il y a eu le temps des pourparlers et que maintenant, le temps est à la mise en œuvre de l’accord intégrale des accords au profit des populations. « La validation de la stratégie est une occasion de faire preuve d’un engagement résolu de la pacification des régions maliennes. C’est aussi un levier pour soustraire le Mali du prisme des terroristes. Il est important de franchir les obstacles qui ont mis en retard l’accord pour la paix et la réconciliation. On doit réussir ce processus entamé depuis 2015. Il permettra d’aller vers le développement, l’amélioration des conditions de vie des populations des régions du Nord du Mali », a ajouté le Premier ministre.

Quant à Bilal Ag Chérif, représentant la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), il a déclaré que la stratégie permettrait la mise en œuvre rapide de l’accord de paix.

Une pluie de milliards pour rien ?

Donc, en 2 ans, le gouvernement du Mali injectera plus de 2000 milliards dans les régions du nord. Il s’y ajoute les concessions déjà faites aux groupes armés : leurs représentants ont été nommés à la tête de nombreuses autorités intérimaires et  de nouvelles régions ont été créées à leur demande.

Mais en retour, que gagne le Mali ? Presque rien. En effet, l’objectif principal des accords est le retour de la paix au nord. Or, depuis des années, les attaques armées sont quotidiennes non seulement au nord, mais aussi au centre du Mali où des hordes dites terroristes font la loi, sans doute en complicité avec certains groupes armés signataires des accords de paix. Pis: il n’y a ni désarmement, ni cantonnement des groupes armés.

Par ailleurs, le passé récent fait douter de la bonne foi des groupes armés, particulièrement de la CMA. Chaque fois que des accords de paix sont signés, ils finissent à la poubelle après avoir apporté de l’argent frais et de la nourriture aux groupes rebelles. Depuis, 1963, le Mali est victime de cet éternel recommencement sans jamais en tirer les leçons. Le plus grave est que les milliards prévus pour le nord apparaissent comme une prime au soulèvement armé alors que Tombouctou et Gao, par exemple, ne sont pas moins développées que Koulikoro et Kayes. A-t-on pensé aux frustrations suscitées chez les régions du sud par les dépenses faramineuses annoncées au nord?

 


Comment les déchets médicaux sont traités au Mali

Les hôpitaux sont, en principe, des établissements de soins; mais, ils peuvent propager des maladies si les déchets qui y sont produits ne bénéficient pas d’un traitement adéquat. Comment les déchets médiaux sont-ils traités au Mali? Enquête.
Comment les déchets médicaux sont traités au Mali

Nous nous rendons d’abord à l’Hôpital du Mali, le plus grand de la rive droite de Bamako.  L’hôpital se situe à Missabougou; il figure au sommet de la pyramide sanitaire, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un établissement public hospitalier de 3ème référence au même titre que les hôpitaux « Gabriel Touré » et du « Point G ».

Nous sommes reçus par Monsieur Bakary Dembélé, surveillant général dudit établissement. Cet homme est un spécialiste des déchets médicaux. Selon lui, les déchets médicaux désignent, d’une manière générale, les déchets issus d’une activité de soin à l’hôpital, dans des structures médicalisées ou de recherche, ou encore qui sont produits lors de la réalisation de campagnes de santé publique, telles que les campagnes de vaccination. Aux dires de Dembélé, ces déchets sont classés en deux catégories principales: les déchets médicaux assimilables aux déchets ménagers, et les déchets biomédicaux.

La première catégorie est composée des emballages, des restes d’aliments consommés par les patients et leurs accompagnateurs. Ils sont sans risque direct pour la santé des personnes ou pour l’environnement. Ces déchets sont recueillis chaque jour après le balayage des salles de soins, de consultations, d’attente et d’hospitalisation. Après leur collecte, ces déchets sont mis dans des caissons qui sont ensuite transportés vers des dépôts finaux réservés aux déchets ménagers.

La seconde catégorie  est l’ensemble des déchets dits biomédicaux. Ils sont à risque et répertoriés en fonction de leurs provenances: les déchets infectieux (compresses, coton, des seringues, etc.), les déchets anatomiques (tissus ou corps amputés, etc.), les déchets pharmaceutiques (flacons de sérum, gants etc.).

Comment les déchets sont gérés

Il y a dans chaque salle de soins des poubelles de différentes couleurs. Les médecins sont chargés, pendant les soins, de trier les déchets. Les déchets infectieux sont mis dans une poubelle rouge, les déchets anatomiques dans la poubelle jaune et les déchets pharmaceutiques dans la poubelle noire. Le contenu de la poubelle noire rejoint immédiatement les ordures ménagères.

Quant au contenu des poubelles rouges et jaunes, ils sont destinés à l’incinération. Avant l’incinération, ils sont entreposés dans un endroit appelé dépôt intermédiaire. Le traitement final se fait au niveau des incinérateurs. Aux dires de Monsieur Dembélé, l’Hôpital du Mali possède 3 incinérateurs. L’incinération des déchets se fait les week-ends mais plus souvent en cas d’abondance des déchets. Un incinérateur a deux compartiments. Le premier, appelé superstructure, reçoit les déchets. Le second, appelé cheminée, reçoit la source de chaleur destinée à brûler les déchets.

C’est par la cheminée que s’échappe la fumée. « Pour permettre à tous les déchets, notamment les aiguilles,  bistouris et autres objets métalliques d’être incinérés, le four de l’incinérateur est chauffé jusqu’à 600°C », souligne notre interlocuteur.

Situation dans les autres hôpitaux

La gestion des déchets à l’hôpital Gabriel Touré reste un défi. En effet, le plus grand hôpital du centre-ville de la capitale ne dispose plus d’incinérateur. La cause ? Les experts ont décidé que la concentration humaine dans et autour de l’hôpital ne permet pas, sans danger, d’y procéder à une incinération dont se dégagent des fumées toxiques. Par conséquent, les déchets émis par le Gabriel Touré sont transportés vers l’hôpital du « Point G » pour y être incinérés.

Il faut signaler que tous les centres de santé de référence et les centres de santé communautaire sont dotés d’au moins un incinérateur. Même constat dans les régions, sauf celles dont l’administration est absente (le grand nord, par exemple). L’hôpital régional de Ségou est même doté d’un incinérateur de dernière génération: il fonctionne à l’électricité et est plus performant que celui des hôpitaux de Bamako qui sont alimentés au charbon de bois.

Les défis

Il reste beaucoup de défis à relever. Le premier a trait à la formation continue des agents incinérateurs. Les manœuvres minimisent le risque qu’ils courent en manipulant les déchets. Leur comportement est à l’origine de plusieurs cas d’infections par an. Il urge de les mieux former.

Bakary Dembélé préconise, par ailleurs, la création d’un centre unique d’incinération des déchets pour tous les hôpitaux d’une même région. Enfin, notre enquête nous a permis de noter la faible implication des cliniques et cabinets privés dans le système d’incinération: leurs déchets se retrouvent dans les ordures ménagères, exposant les populations au plus grand danger.

La politique nationale de gestion

Contacté par nos soins, le ministère de la Santé nous a communiqué des documents décrivant la politique nationale en matière de gestion des déchets biomédicaux. Notre pays  est signataire des conventions de Bâle et de Bamako portant sur la  gestion des déchets spéciaux.

Il existe aussi un manuel de procédures sur la gestion desdits déchets. Le département de la Santé,  depuis plusieurs années, procède à l’installation ou la réhabilitation des incinérateurs. Selon lui,  la gestion des déchets est globalement satisfaisante au niveau des formations sanitaires.


Voyage à Tombouctou: Ce que le blogueur a vu et entendu

Le centre de formation aux nouvelles technologies « SankoréLabs », en partenariat avec la communauté des blogueurs du Mali (« Doniblog ») et l’ONG « Lecture Vivante », a organisé la 1ère édition de son « Café Numérique ». Une activité qui consiste à enseigner à une quarantaine de jeunes les rudiments du métier de blogueur. Le Café s’est tenu à Tombouctou le 22 juillet 2017. Je m’y suis rendu en qualité de président de « Doniblog » et de formateur.

Voyage à Tombouctou

Pour rallier la ville de Tombouctou, la Mission Intégrée des Nations Unis pour la Stabilisation du Mali (MINUSMA) a eu la gentillesse de nous transporter à bord de l’un de ses avions. Vendredi 21 juillet, nous embarquons à 12 h 45 pour Tombouctou après avoir rempli les formalités d’usage à l’aéroport de Bamako-Sénou. Dans le petit avion de 50 places, nous sommes flanqués de casques bleus en uniforme  qui rejoignent leur poste. Un Bukinabè de la MINUSMA est mon voisin de siège. Un militaire peu porté à la discussion. Après une heure et demie de vol, l’avion se pose sur le tarmac de l’aéroport de Tombouctou à 14h 16. Je suis  frappé par l’impressionnant dispositif sécuritaire. Des soldats de la MINUSMA (principalement des Burkinabè) et de la force française Barkhane tiennent l’aéroport d’une main de fer. Un soleil cuisant me frappe au visage. Après avoir récupéré nos bagages, nous prenons la route du centre-ville. Nous nous soumettons,  comme tout visiteur  qui entre dans Tombouctou, à un contrôle d’identité effectué par les soldats Burkinabé de la MINUSMA, qui tiennent le check-point situé entre l’aéroport et l’entrée de la ville. Arrivés en ville, nous prenons possession des chambres que nous a réservées le « SankoréLabs » dans un bâtiment loué par lui au quartier Badjiné. Nous dormons sur des banquettes de mousse, l’œil distrait par les jolis tapis colorés fixés aux murs.

Comment devenir blogueur

Samedi 22 juillet au matin: visite guidée de la Cité mystérieuse. A 16 h, nous nous retrouvons sur   les dunes de sable pour échanger du thème du Café numérique: « Comment devenir bloggeur ? « . Je partage avec les jeunes gens venus m’écouter mon expérience de blogueur. En somme, je leur fais savoir qu’on ne crée pas un blog pour se faire de l’argent, mais pour qu’il soit lu. Un lecteur ne revient sur le blog que s’il est convaincu de la qualité du contenu. Il existe actuellement des millions de blogs sur Internet et tous les jours, des milliers d’autres voient le jour. Mais seule une infime minorité deviendra populaire, la très grande majorité passant totalement inaperçue. Les blogs à succès résolvent un problème ou répondent à un besoin. Le succès commence donc toujours par l’attention que vous accordez aux préoccupations de vos lecteurs. Par exemple, sur Tombouctou, la mystérieuse, la cité des 333 saints,  la ville d’Ahmed Baba, il y a matière à remplir de multiples blogs.

Tombouctou la mystérieuse

J’ai pu me promener à Tombouctou. La capitale de la 6ème région administrative du Mali  est célèbre pour ses monuments à l’architecture originale. Essentiellement des mosquées et des mausolées qui entretiennent le souvenir d’hommes pieux et savants et qui valent à la ville son surnom de « Cité des 333 saints ». Pas de marbre ni de pierre dans les rues: Tombouctou est une cité de terre crue (ou banco). Très fragiles, les monuments sont, chaque année, à une date précise, consolidés par les habitants sous la direction de l’imam. On peut voir sur les parois des mosquées les bouts de bois permettant d’accéder aux parois lors de ces journées au rôle à la fois religieux, patrimonial et social. En 1988, la ville a été classée sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. La décision de la faire passer sur la liste du « patrimoine mondial en péril » a provoqué la colère des envahisseurs islamistes qui ont entrepris de détruire les monuments et manuscrits en prétextant de leur caractère polythéiste. Les principaux monuments de Tombouctou.

-la mosquée de Djinguereyber: Voulue par l’empereur Kankou Moussa, de retour de pèlerinage à la Mecque, elle fut construite en 1325 par Abu Ishaq es-Sahéli, architecte originaire de Grenade qui aurait reçu 200 kg d’or pour ce travail ! Elle comporte 25 lignes de piliers et peut accueillir 10 000 fidèles.

-la mosquée de Sankoré: Construite selon la volonté d’une femme au XVe siècle, elle fut un important centre universitaire.

– la mosquée Sidi Yaya: Édifiée en 1400 dans l’attente d’un saint qui se présentera finalement 40 ans plus tard sous les traits de Sidi Yaya, elle comportait une porte sacrée qui ne devait être ouverte qu’à la fin des temps, sous peine de malheur. Cette porte a été brisée par l’occupant terroriste en 2012.

– de nombreux mausolées : Les plus célèbres, ceux de Sidi Yaya et de Sidi Mahmoud, ont été détruits en juin 2012. 16 de ces mausolées ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

– les manuscrits : 100 000 manuscrits, dont certains du XIIe siècle, sont conservés à Tombouctou dans le Centre de documentation  Ahmed Baba, fondé en 1970, mais aussi au sein des familles.

Climat de fatalisme

A Tombouctou, la population vaque à ses occupations. Un grand fatalisme habite les citoyens qui pensent que les terroristes ne s’en prennent pas délibérément aux civils. « Tous les civils tués dans des attaques sont des victimes collatérales ou encore des personnes suspectées de collaboration avec les forces MINUMA ou Barkhane », nous confie un résident. Notre interlocuteur se dit certain que la ville abrite des taupes qui savent tout et qui rendent compte à leurs chefs terroristes dans le désert. Il nous informe que par peur des représailles, les jeunes chômeurs de Tombouctou se gardent de répondre aux  offres d’emplois publiées par les forces internationales. D’ailleurs, pendant mon séjour, j’ai vu une expédition française fouiller tout un quartier, à la recherche de terroristes cachés. Des drones de Barkhane sillonnent sans cesse le ciel de la ville; ils ne sont pas armés. La plupart des Tombouctiens prient le vendredi à la mosquée Djingareyber, la plus grande de la ville. Les boutiques sont généralement tenues par des Arabes qui vendent des produits de qualité venus d’Algérie et de Mauritanie. Les bars sont fermés suite à leur saccage par une association de jeunes qui dit se battre pour le rayonnement islamique de la ville. La nuit, seuls quelques jeunes gens flânent dans les rues. Le quartier le plus aisé est aussi le plus dangereux; il s’appelle Abaradjou: c’est là que se produisent la plupart des attentats terroristes.

 


Mali: l’enrichissement illicite fait de la résistance

L’assemblée nationale du Mali a délibéré et adopté le 27 mai 2014, la loi N°2014-05 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite. La loi, exigée par les bailleurs de fonds, est qualifiée de « loi niyengo » (loi égoïste) par les agents de l’Etat dont les leaders syndicaux entendent demander l’abrogation pure et simple.

 Dispositions générales de la loi

 Au sens de cette loi, constitue un enrichissement, soit l’augmentation substantielle du patrimoine de toute personne ne pouvant pas justifier par rapport à ses revenus légitimes, soit un train de vie mené par cette personne sans rapport avec ses revenus. Sont assujettis à cette loi, toute personne physique civile ou militaire dépositaire de l’autorité publique, chargée de service public, mème occasionnellement, ou investie d’un mandat électif ; tout agent ou employé de l’Etat ; des collectivités publiques, des sociétés et entreprises d’Etat etc.

Organe chargé de lutter contre l’enrichissement illicite

Créé par l’ordonnance n°2015-032/P-RM du 23 septembre 2015, l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, est l’organe chargé de lutter contre ce fléau qui tue nos Etas. L’office a pour mission de mettre  en œuvre  l’ensemble des mesures de prévention, de contrôle et de luttes envisagées au plan national, sous-régional, régional et international. A ce titre, il est chargé, entre autres, d’assurer, dans le respect des compétences propres à chacune  des structures concernées, une coopération efficace et la concertation des autorités nationales, directement ou indirectement concernées par la lutte contre l’enrichissement illicite, de prendre communications des déclarations de biens aux fins d’exploitation, de demander aux assujettis ainsi qu’à toute autre personne physique ou morale, la communication des informations détenues par eux et susceptibles d’enrichir les éléments justifiant la saisine des autorités judiciaires.

La loi rejetée par les agents de l’Etat

La nouvelle loi sur l’enrichissement illicite provoque la colère des agents de l’Etat qui en sont la principale cible. Le Syndicat National des Travailleurs de l’Administration d’Etat (SYNTADE) entend mettre en échec cette loi qu’elle juge « discriminatoire et injuste ».  Dimanche dernier, les responsables du SYNTADE ont tenu une rencontre pour peaufiner leurs arguments. Selon l’un d’eux, cette loi est une loi « nyèngo » (égoïste) car elle veut empêcher les fonctionnaires de vivre à l’aise et les réduire à la misère. Or, fait remarquer notre interlocuteur, la loi épargne les commerçants, élus et autres acteurs économiques sans la complicité desquels aucune magouille n’est possible au détriment de l’Etat. Mieux, en autorisant la justice à demander des comptes à tout agent de l’Etat à partir de ses seules « apparences de richesse », la loi encourage ouvertement la délation et le chantage, y compris entre voisins de rue et quartier. « Je vous rappelle que ceux qui veulent chercher aujourd’hui des poux dans la tête des agents de l’Etat se sont déjà enrichis et ont mis leurs richesses en sécurité avant le vote de la loi! », s’indigne un syndicaliste. Des mouvements de grève sont prévus pour exiger l’abrogation de la loi, mais d’ores et déjà, le SYNTADE a demandé à ses militants sur toute l’étendue du territoire national de ne pas signer les formulaires de déclaration de biens que leur a envoyés la Commission de lutte contre l’enrichissement illicite.  L’enrichissement illicite a de beaux jours devant lui.

La pauvreté endémique, conséquence de l’enrichissement illicite

L’impunité généralisée installée depuis plusieurs années au Mali a conduit à une course effrénée à l’enrichissement illicite. Désormais, même dans des sphères éloignées du premier cercle du pouvoir, des fonctionnaires profitent de leur position dans certaines administrations pour organiser le détournement des fonds publics, sûrs qu’ils sont de ne pas être inquiétés. Ces détournements massifs sont à l’origine de la pauvreté endémique au Mali.

 

 

 


Référendum au Mali: le président enterre le projet sans l’avouer

Prévu initialement pour le 9 juillet 2017, le référendum pour la révision de la Constitution a été reporté à une date ultérieure suite à une forte opposition de la plateforme civile  »Non an te a bana », soutenue par l’opposition politique et divers syndicats qui exigent le retrait pur et simple du projet. Le président de la République a répondu qu’il ne reculerait pas et que le référendum se tiendrait bel et bien. Mais en catimini,  il ne fait rien pour que le vote ait lieu. Au contraire, les faits portent chaque jour à croire que le président a enterré le projet sans l’avouer.

Référendum au Mali: le président enterre le projet sans l’avouer

Manifestations et doléances

De Bamako à Paris, en passant par Ségou, Sikasso, Bougouni et Kita, les Maliens sont sortis par milliers pour dire non la révision de la Constitution. A Bamako, des centaines de milliers de citoyens ont battu le pavé le 17 juin. Le 1er juillet, une foule de moins grande dimension a tenu un meeting Avenue du Cinquantenaire, à Bamako, malgré l’interdiction de la gouverneure du district. Le même samedi 1er juillet 2017, les populations de Kayes, dre Sikasso, de Ségou et de Kita ont marché pour dire NON à la révision. Elles annoncent qu’aucune opération référendaire ne se tiendra dans leurs localités si les questions socio-économiques prioritaires ne sont pas réglées.A Kayes, les manifestants conditionnent la tenue du référendum à la reprise des activités du train-voyageurs. A Koulikoro, même son de cloche : les manifestants se disent prêts à mourir pour empêcher toute opération de vote tant que l’Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA) ne rouvre pas ses portes car cette usine étant la seule industrie locale et le principal pourvoyeur d’emplois de la région. On imagine sans peine que si la tenue du référendum devait dépendre de la résolution des épineux problèmes, elle n’aurait jamais lieu…

L’Etat cherche désespérément des agents électoraux

Les opposants à la révision constitutionnelle ne constituent pas le seul obstacle à la tenue d’un  référendum. En effet, le gouvernement fait face à des difficultés d’ordre logistique et humain. Il n’arrive pas à mobiliser les ressources humaines nécessaires à l’organisation du référendum, notamment les assesseurs et présidents de bureaux de vote. Avant le report du référendum, les gouverneurs, préfets et sous-préfets cherchaient désespérément ces hommes et femmes indispensables à la tenue d’une élection. Selon nos informations, les gouverneurs ont adressé des correspondances aux différents chefs d’écoles publiques pour qu’ils fassent parvenir les noms des enseignants qui voudraient être assesseurs ou président de bureaux de vote. Les enseignants ont tous refusé de s’enrôler dans l’affaire. Certains parce qu’ils sont eux-mêmes opposés à la révision; d’autres par peur de se faire agresser le jour du scrutin par les partisans du non, qu’ils trouvent beaucoup trop nombreux. Certains chefs d’établissements académiques, connaissant déjà l’avis de leurs collègues enseignants, n’ont même pas pris la peine de les informer de la demande des gouverneurs.

Pour contourner ce qui ressemble à un boycott passif du référendum, certains gouverneurs ont décidé de joindre au téléphone les anciens présidents de bureaux de vote et assesseurs qui ont officié lors des dernières élections communales. Ces personnes ont aussi décliné l’offre. Plus grave: même  les partisans du « Oui » ont peur de se porter volontaires aux postes d’agents référendaires.

Députés traqués dans leurs circonscriptions électorales

Les députés de la majorité présidentielle invités à expliquer le nouveau texte dans leurs circonscriptions électorales se font le plus souvent huer par les citoyens. La majorité des députés ont été chassés ou interdits de parler de révision. Ainsi, en région de Kayes, les trois députés RPM de Bafoulabé (Kissima Keita, Boubacar Sissoko  et Mohamed Tounkara), partis expliquer le projet de révision le 19 juin à leur électoral, n’ont eu le salut que grâce à l’agilité de leurs jambes. A Koro, dans la région de Mopti, les députés venus rendre compte du projet de révision ont été chassés comme des malpropres. Pour les habitants de cette localité qui vient d’être endeuillée par des affrontements inter-communautaires entre Dogons et Peuhls (90 morts!), les populations disent avoir comme priorité la sécurité et non une révision constitutionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de se demander qui organisera ou supervisera le vote référendaire.

Insécurité généralisée

Depuis 2012, l’insécurité au Mali est généralisée, même si les régions du Nord et du Centre lui paient le plus lourd tribut. Au moins 500 personnes ont été tuées depuis le début de l’année 2017. Une dizaine de personnes restent prises en otages par des groupes armés. La région de Kidal est en proie à une guerre inter-tribale. L’autorité de l’État ne s’y exerce pas. Pas plus tard que le jeudi 6 juillet 2017, de violents affrontements ont opposé des combattants de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) à ceux du GATIA, groupe d’autodéfense. Ces combats ont fait 15 morts, dont 12 membres de la CMA et 3 du GATIA. Qui oserait parler de référendum à Kidal ? Or, l’insécurité qui prévaut justifie l’absence de l’Etat dans de nombreuses autres zones du Centre et du Nord du Mali. Ces constats enlèvent tout intérêt à l’Arrêt de la Cour constitutionnelle qui, contre toute évidence, a déclaré qu’au Mali, l’insécurité est « résiduelle » et que l’Etat exerce la plénitude de ses missions sur l’ensemble de son territoire. Selon l’Arrêt, Selon l’arrêt de la Cour, « la souveraineté du peuple s’exerce à ce jour par ses élus sur toute l’étendue du territoire national. Il n’a pas été attesté d’une présence de troupes d’occupation étrangères sur le territoire malien de façon à en compromettre son intégrité au sens du droit international ».

Le projet renvoyé à une seconde lecture

Il reste que la Cour a demandé, le 5 juillet 2017, au gouvernement de renvoyer le projet de révision devant les députés pour une seconde lecture. La Cour a accepté la requête de l’opposition malienne sur l’article évoquant la durée du mandat des sénateurs.  Cet article ne mentionne aucune indication sur la durée du mandat des sénateurs désignés par le président de la République.

Au-delà de ces querelles juridiques, le renvoi en seconde lecture  suppose que tout le peuple soit à nouveau consulté par les députés avant un nouveau vote. Une audition d’une telle ampleur, exigée le 2 juin par la CMA et le secrétaire général de l’ONU, ne peut se faire avant la fin de 2017. Or, déjà en début 2018, le pays sera en précampagne présidentielle. Une élection cruciale dont la préparation humaine, matérielle et financière fera oublier jusqu’au dernier chapitre du projet de loi référendaire.