Mali : le diamantaire sous le bâton

3 août 2016

Mali : le diamantaire sous le bâton

Après avoir ramassé un diamant de 20 kg, Oumar Sabo a, contre toute attente, perdu le sourire. Je l’ai rencontré.

L’histoire commence un matin d’avril 2016. Ce jour-là, Oumar Sabo se trouve dans le village de Papara, situé sur le territoire ivoirien, près de la frontière malienne. Sabo décide de rejoindre des parents dans un hameau dénommé Allahmdouliilaye-Dadjan, qui dépend du village de Finkolo, dans la commune malienne de Fourou. Il loue les services d’un motocycliste qui le dépose au bord du marigot : la limite entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Le reste du chemin ne consiste qu’à traverser le lit du marigot pour se retrouver dans le hameau. Oumar Sabo le fait donc à pied. Pendant la traversée du marigot, le jeune homme aperçoit une pierre qui brille comme le soleil. Pour avoir travaillé dans des mines traditionnelles, il y a quelques années, il comprend que la pierre brillante n’est rien d’autre qu’un diamant. Fou de joie, il ramasse la pierre et fonce dans le premier bureau d’achat de pierres précieuses de la localité.

Le gérant du bureau, Youssouf Poudiougo, le reçoit. Oumar Sabo lui présente sa pierre. Après avoir vérifié la trouvaille, Youssouf Poudiougo confirme qu’il s’agit bien d’un diamant de 20 kilos d’une valeur marchande de 40 milliards de FCFA ! Poudiougou offre d’acheter la pierre et propose à Oumar Sabo 40 milliards de FCFA. Il fait photographier Sabo, le futur milliardaire et promet de délivrer une attestation certifiant la réception du diamant par son bureau. Youssouf Poudiougo, profitant de la naïveté du jeune, lui dit d’attendre dans le bureau: « Je me rends de ce pas à Fourou pour légaliser l’attestation de réception que je viens de te signer ». Sabo attend donc, rêvant déjà de ce qu’il fera de la pluie de milliards qui s’annonce sur sa tête bénie. Quelques heures plus tard, Poudiougou revient avec une attestation. Problème: elle n’est pas légalisée. Pis, sur l’attestation (dont j’ai obtenu copie), il est mentionné que « Oumar Sabo reconnaît avoir reçu des mains de Oumar Sabo » la pierre précieuse.

Un non sens puisque l’attestation est censée prouver que la pierre a été remise à Poudiougou ! Ne sachant pas lire, Oumar Sabo ne comprend pas que son nom est répété deux fois sur l’attestation et la décharge. Vers 15h, ce même 2 avril 2016 Poudiougou prend dans son véhicule 4X4 Oumar Sabo pour Bamako avec la promesse de verser à Sabo le prix de vente de la pierre: 40 milliards. Dans le véhicule, Poudiougou fait entrer trois autres hommes. Des gaillards. Le voyage se passe bien jusqu’à l’entrée de Bamako. Poudiougou arrête le véhicule dans un endroit obscur et en descend au motif que c’est là que les 40 milliards lui seront remis. Dans la foulée, Poudiougou colle son portable à l’oreille, faisant mine d’appeler ses riches clients. Au même moment, les trois gaillards encerclent Sabo et le rouent de coups. Il est ligoté et laissé pour mort. Revenu à lui-même le matin, il pousse des cris de détresse qui attirent l’attention d’un passant. Celui-ci lui pose des questions. Après avoir raconté sa mésaventure, Sabo est détaché par le passant. Il rejoint en pleurant son village.

Un mois plus tard, guéri de ses blessures, l’infortuné diamantaire revient à Bamako pour réclamer sa pierre à Poudiougou qui le croit mort. Poudiougou est-il encore à Bamako ? Quelle preuve Sabo pourra-t-il utiliser pour le confondre devant la justice ? Sabo, décidé à récupérer sa pierre même au prix de sa vie, entend user de toutes voies de droit. Selon lui, une connaissance commune a appelé Poudiougou au téléphone; ce dernier aurait reconnu avoir fait bastonner Sabo qui, à ses dires, était en train de « perdre la tête ». Avec une pierre de 40 milliards, il y a de quoi, en effet, perdre ses esprits…

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Commentaires

issbill
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Pauvre de lui.