Personnes portées disparues : que disent la loi et la religion ?

14 octobre 2015

Personnes portées disparues : que disent la loi et la religion ?

Le drame survenu à Mina le 24 septembre dernier a causé plusieurs morts, blessés et portés disparus. A Bamako selon les autorités le bilan des victimes maliennes s’élève à : 119 morts, 6 blessés et 246 disparus. Si les parents des pèlerins officiellement décédés ont fait leur deuil, ceux des personnes portées disparues sont dans l’inquiétude. Il nous a été donné de constater que dans certaines familles de pèlerins portés disparus, la guerre a commencé au sujet de leurs biens. Nous avons ainsi décidé d’enquêter sur ce que la loi dit sur le porté disparu et de son héritage. Qu’est-ce qu’un porté disparu ? Que dit la loi civile et religieuse de la gestion de ces biens ? Voici autant de questions que nous avons posées à un spécialiste du droit et de la religion.

Le cadre juridique de la disparition

Selon, Aliou Badra Nanacassé, magistrat et conseiller à la cour d’appel de Bamako, la disparition est réglementée au Mali par la loi N° 087 du 30 décembre 2011, à travers le code de la famille et des personnes. De cette loi, aux dires de Nanacassé, 2 notions se dégagent : la notion d’absence et celle de la disparition proprement dite.

La présomption d’absence

En ce qui concerne l’absence, Aliou Badra Nanacassé dit qu’elle est repartie, elle aussi en 2 notions : la présomption d’absence et l’absence proprement dite. Au terme de la loi, il y a présomption d’absence quand un individu cesse de paraître à son domicile connu depuis plus de 3 ans. Cette présomption d’absence doit faire l’objet d’une déclaration au près le tribunal civil du dernier domicile connu du présumé absent par toute personne qui en a intérêt (épouse, enfants, collaborateur, etc.).
Cette déclaration sera ensuite communiquée au procureur qui ouvrira une enquête. Si au bout de l’enquête, le présumé absent reste introuvable, le président du tribunal peut designer un ou plusieurs parents ou alliés, ou, le cas échéant, toutes autres personnes pour gérer tout ou une partie de ses biens, y compris exercer la tutelle sur ces enfants mineurs. Cependant, les personnes désignées peuvent être remplacées par le juge si elles ne gèrent pas convenablement les biens du présumé absent.

L’absence proprement dite

Toujours selon notre interlocuteur, si trois autres années passent sans que le présumé absent ne reparaisse, on parle maintenant d’absence proprement dite. Ici encore, une déclaration d’absence est introduite toujours au près du tribunal du domicile de l’absent. Le parquet à qui la déclaration est transmise ouvre une enquête supplémentaire. Si, cette enquête ne permet pas de retrouver la personne déclarée absente, le président du tribunal rend un jugement déclaratif d’absence. Cette déclaration sera transcrite dans le registre d’état civil, avec le même effet qu’un acte de décès. C’est seulement après ce jugement déclaratif d’absence que la porte est ouverte à la succession : le partage de l’héritage aux ayants droit, la constatation du divorce, etc. Et si la personne déclarée absente réapparaît ? Le magistrat dira qu’elle pourra récupérer ses biens sauf ceux partagés. Quant au divorce, il reste consommé.

Et la disparition ?

Au vu de la loi, le disparu est la personne qui a cessé de paraitre à son domicile suite à des événements de nature à mettre sa vie en danger (tremblement de terre, inondation, bousculade, etc.), alors que même son corps n’a pas été retrouvé. Au sujet de la disparition, Aliou Badra Nanacassé explique que là-bas aussi, la disparition peut être déclarée par requête du procureur de la République ou par toute autre personne intéressée, peut importe le lieu de la disparition. Si le tribunal estime que le décès n’est pas confirmé, il peut demander un complément d’information auprès du pays où l’accident a eu lieu. Ensuite, il est rendu un jugement de déclaration de décès qui est applicable à tous. Cet acte qui est transcrit dans l’état civil a valeur d’acte de décès.
« A partir de cet instant, la succession du disparu est ouverte. L’héritage est partagé en fonction de la coutume des intéressés », a affirmé Aliou Badra Nanacassé. Si le disparu réapparait, le procureur de la République, l’intéressé ou tout individu peut poursuivre l’annulation du jugement. Dans le cas précis de la bousculade de Mina, notre interlocuteur estime que les déclarations de disparition ne pourront être reçues qu’après le bilan définitif des autorités saoudiennes, repris ensuite par celles du Mali.
Pour l’instant, les recherches continuent et tous les pèlerins n’ont encore officiellement quitté le territoire saoudien. Donc, à en croire Aliou Badra Nanacassé, dans le cas précis de la bousculade de Mina, à cette étape, personne ne peut prétendre s’attaquer à l’héritage d’un porté disparu.

Que dit la religion ?

La religion musulmane que nous pratiquons traite aussi la question de la disparition. Selon Bakary Almamy Coulibaly, maitre coranique à M’Péssoba, si une personne est déclarée disparue ou absente, aucune action ne doit être entreprise en ce qui concerne l’héritage avant 4 ans. A en croire notre interlocuteur, c’est après avoir patienté pendant 4 ans que la famille peut procéder au partage de l’héritage du disparu. En ce qui concerne l’épouse du disparu, s’il en a une, elle doit à partir de la 4e année de la disparition de son époux, observer les 4 mois et 10 jours de deuil. Après cette étape de deuil, le divorce est officiellement constaté. Elle bénéficie aussi de sa part d’héritage conformément à la religion. Comme dans le cas de la loi civile, si le disparu réapparait, il ne pourra rien prendre à son épouse remariée. Cependant, il pourra récupérer les biens non partagés.

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