Mali : des prêtres anti-sorciers sèment la panique
Les populations de certaines communes de Koutiala situé à 400 km au sud de Bamako, sont au bord de l’affrontement. La cause: la présence de fidèles chrétiens spécialisés dans le démantèlement de réseaux de sorciers et dans la délivrance des personnes envoûtées.
L’histoire remonte à juin 2016. Un pasteur résidant à Worodara, au Burkina, et spécialisé dans la délivrance des personnes possédées, envoie certains de ses disciples au Mali pour répandre l’Evangile. Ayant choisi des communes rurales de Koutiala, ces prêcheurs, pour se faire mieux entendre, adaptent leur discours et leur art aux préoccupations des villageoi: au lieu de parler de l’Evangile, ils se mettent à vendre une potion censée soigner plusieurs maladies. Outre ce mélange d’eau et d’huile dont on s’enduit le corps, les prêcheurs organisent des consultations mystiques et des séances de prières tendant à délivrer des personnes envoûtées. Au cours de ces cérémonies, ils affirment à des gens qu’ils sont ensorcelés et proposent de démasquer les sorciers coupables.Puis, joignant le geste à la parole, ils font des incantations à la suite desquelles lesdits sorciers tombent en syncope; une fois réveillés, ils font des révélations sur leurs crimes. Les malades sont alors considérés comme désenvoûtées et les sorciers neutralisés au nom de Jésus Christ.
Psychose dans les villages
Dans la commune de Tièrè, à 100 km de Koutiala, des sorciers démasqués sont, nous rapporte-t-on, passés aux aveux. « Je suis une sorcière et je fais partie d’une confrérie. J’ai mangé plusieurs personnes par voie de sorcellerie. C’est ma tante qui m’a initiée à cette pratique », aurait déclaré une sorcière. Plusieurs vieilles femmes ont été accusées par les pasteurs d’avoir mangé leurs petit-enfants par le moyen de la sorcellerie. La situation crée vite un climat de méfiance et de tension entre parents et voisins dans la commune.
Dans le village de Sinkolo, même constat. Là aussi, des personnes sont accusées de sorcellerie par les émissaires du pasteur de Worodara. Un sorcier démasqué aurait avoué: « J’ai tué 3 membres de ma famille après les avoir transformés en animaux. Je suis également à la base des échecs scolaires de certains jeunes du village. J’ai mangé en sorcellerie les fœtus de certaines femmes. J’ai offert mon propre fils à ma confrérie. Je suce le sang des victimes ».
Le hic, c’est que les personnes accusées ou convaincues de sorcellerie font régulièrement l’objet de tentatives d’agressions de la part des villageois. Une atmosphère délétère s’est installée un partout dans les communes où opèrent les pasteurs chrétiens.
Le tribunal saisi
Pour prévenir des affrontements intra-communautaires, le maire de Tièrè, Adama Traoré, a saisi le préfet et le procureur de Koutiala. Ces autorités n’ont pas levé le petit doigt. Ce qui a permis aux pasteurs de poursuivre leur office dans le village de Tono Djonbougou. Là, c’est le chef de village lui-même, Sékou Dembélé, qui sera accusé de sorcellerie par les pasteurs. Dembélé ne se laisse pas faire; se sentant blessé dans son honneur, il porte plainte pour diffamation devant le tribunal de Koutiala. Il demande que les pasteurs soient condamnés à une peine de prison, mais aussi à 500. 000 FCFA de dommages et intérêts. Sera-t-il entendu ? En attendant, comme les prévenus n’ont pas été arrêtés, ils continuent de vendre leur potion anti-sorcier à 5000 FCFA.
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