Pèlerinage 2014 aux lieux saints de l’Islam : Les raisons de l’interdiction des vols charters

18 août 2014

Pèlerinage 2014 aux lieux saints de l’Islam : Les raisons de l’interdiction des vols charters

Le pèlerinage aux lieux saints de l’islam suscite, cette année, de sérieux remous au Mali. Alors qu’auparavant, toutes les agences de voyages privées cherchaient des clients et des visas puis affrétaient des vols pour l’Arabie saoudite, les autorités saoudiennes ont, en 2014, introduit une nouveauté : elles ont exigé des pays d’Afrique subsaharienne (Mali, Niger, Burkina Faso, etc.) de repartir leurs pèlerins entre la compagnie saoudienne « NASAIR » et leur compagnie aérienne locale. Dans l’hypothèse où un de ces pays, comme c’est le cas du Mali, ne possède pas de compagnie aérienne nationale susceptible d’assurer le transport des pèlerins, ces derniers devront obligatoirement emprunter un vol de « NASAIR », une compagnie aérienne saoudienne. C’est ainsi que l’Autorité Générale de l’Aviation Civile saoudienne a, par lettre du 29 mai 2014 signée du capitaine Mohammed Ali Jamjoom, fait savoir à la direction de l’Aviation Civile du Mali qu’aucune autre compagnie que « NASAIR » (en anglais « FLYNAS ») ne sera autorisée à transporter des pèlerins à partir du sol malien. L’Autorité Générale a réitéré sa mise en garde à travers une lettre du 17 juin 2014.

 

Les pèlerins qui ne souffriront pas de la mesure saoudienne

 

La mesure de restriction ne nuit pas aux pèlerins de la filière gouvernementale. En effet, ceux-ci, au nombre 1.000, sont confiés à « NASAIR » car cette compagnie a remporté l’appel d’offres public lancé par l’Etat malien pour 1,37 milliard de FCFA, montant légèrement inférieur à celui de l’an passé où « NASAIR » a obtenu le même marché pour 1,39 milliard de FCFA.
En 2014, « NASAIR » a été choisie par le gouvernement au dépens de son unique concurrent, le groupement « AMSA-MAXI AIR LTD ». Pour plusieurs raisons. D’abord, « NASAIR » a de l’expérience : elle a pu produire devant la commission de dépouillement des offres plusieurs certificats de bonnes exécutions délivrées, entre autres, par les gouvernements nigérien, burkinabè, indien et ivoirien pour avoir transporté avec succès les pèlerins de ces pays en Arabie Saoudite. Ensuite, « NASAIR » a présenté des documents techniques et administratifs parfaitement en règle. A l’inverse, le groupement « AMSA-MAXI AIR LTD » a multiplié les insuffisances : il n’a pu fournir à la commission ni un plan de vol conforme au délai d’exécution, ni un agrément officiel, ni une autorisation d’atterrissage en règle, ni des assurances sur les capacités d’accueil des pèlerins, ni un certificat de non-faillite. C’est pourquoi, malgré ses tarifs relativement compétitifs, le groupement a été écarté, le gouvernement doutant de son aptitude technique à transporter les pèlerins. Car l’objectif majeur du gouvernement reste de confier les voyageurs à une compagnie fiable qui présente toutes les garanties de bonne exécution du marché.
Les pèlerins enregistrés à l’agence de voyages « Al-Madina » ne seront pas, eux non plus, victimes de la directive saoudienne. De fait, cette agence n’est autre que la représentante de la compagnie « NASAIR » au Mali: ses clients voyagent donc tout naturellement par « NASAIR ». Le sachant, de nombreuses agences de voyages, pour ne pas pénaliser leurs clients, s’activent à les confier à « Al-Madina ». Il s’agit notamment des agences AMASER (165 pèlerins), Al-MOUSTOUR (170 pèlerins), Al-HIJRA (125 pèlerins), Al-MAWADA (430 pèlerins), KASO VOYAGES (260 pèlerins), KOUREKAMA (105 pèlerins), KUMBI VOYAGES (550 pèlerins) et WAGADOU (200 pèlerins).

 

Les pèlerins menacés par la mesure
Par contre, le groupement « AMSA-MAXI AIR LTD » caresse le rêve de convaincre les autorités saoudiennes de lui octroyer une autorisation spéciale. Lors d’une conférence de presse tenue le jeudi 14 août 2014, le représentant du groupement, Boucary Sidibé dit Kolon, a ainsi déclaré que « NASAIR n’a pas l’exclusivité du transport des pèlerins » et que son groupement, qui compte 2.800 clients, les transportera sans faute en Arabie Saoudite. Sidibé souligne que les Saoudiens ont incité les pays qui ne possèdent pas une compagnie nationale d’opter pour « NASAIR » mais qu’il ne s’agit pas là d’une interdiction des autres compagnies ou agences.

 

L’ambassadeur saoudien confirme l’interdiction

 

Pour en avoir le cœur net, nous avons sollicité un entretien de l’ambassadeur du royaume d’Arabie Saoudite au Mali, Nahidh Al-Harbi. Le diplomate nous a reçu en ses bureaux sis à l’ACI 2000, Bamako, le jeudi 14 août 2014, en présence de son interprète, monsieur Kébé. Al-Harbi a d’abord tenu à nous remercier d’avoir fait le déplacement pour comprendre la décision des autorités du royaume en ce qui concerne le pèlerinage de cette année. Selon l’ambassadeur, les agences de voyages, avant de transporter leurs pèlerins aux lieux saints, passent des contrats d’hébergement en Arabie Saoudite. Munies de ces contrats de bail, elles se présentent à l’ambassade saoudienne avec les passeports des pèlerins sur lesquels l’ambassade appose des visas. Cette année, précise l’ambassadeur, le royaume saoudien a décidé que tout pays qui ne possède pas une compagnie aérienne nationale doit confier ses pèlerins à la compagnie saoudienne « NASAIR ». Le diplomate souligne : « La mesure ne concerne pas seulement le Mali ni l’Afrique subsaharienne; elle vaut pour le monde entier! ».
Et pourquoi cette mesure aux allures discriminatoires ? Réponse d’Al-Harbi: « La mesure a pour but de soulager les pèlerins. Il a été constaté que les agences de voyages, pour le transport des pèlerins, louent des vols charters. Après le pèlerinage, les compagnies charters restent introuvables et les pèlerins sont abandonnés avec leurs bagages à l’aéroport de Djeddah pendant plusieurs semaines. Non seulement les pèlerins vivent alors le calvaire, mais en outre, leur présence à l’aéroport occasionne des désagréments énormes pour les travailleurs et les autres usagers. En donnant aux compagnies nationales et à NASAIR le monopole du transport des pèlerins, les autorités saoudiennes veulent se donner des interlocuteurs crédibles et connus; elles sauront à qui s’adresser pour le rapatriement des pèlerins dans leur pays d’origine et cela, dans les délais requis. Avant cette nouvelle mesure, les autorités saoudiennes ne savaient pas à qui s’adresser pour le retour rapide des pèlerins car elles ne connaissaient pas les compagnies charters ni l’identité des agences qui les avaient affrétées. ». Conclusion de l’ambassadeur: « En définitive, pour accomplir le pèlerinage cette année, les pèlerins devront passer soit par « NASAIR », soit par des compagnies nationales. Mais même les compagnies nationales ne peuvent transporter des pèlerins non-nationaux en Arabie Saoudite ».
Il reste toutefois la possibilité pour les pèlerins d’emprunter les vols réguliers de compagnies desservant ordinairement l’Arabie Saoudite (Air France, Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines, etc. Le problème, c’est qu’aucune agence n’a la possibilité financière de louer les avions de ces compagnies, à moins de le faire à perte. En tout état de cause, il importe que tous les pèlerins soient informés, à temps, des périls qui guettent. Là-dessus, le gouvernement malien a tort de se taire.
Silence gouvernemental
Joint par nos soins, un haut responsable de la direction de l’Aviation Civile malienne reconnaît que le service a bien reçu la directive saoudienne mais considère qu’elle est illégale: « C’est une mesure protectionniste qui viole les conventions internationales ». Problème: pour faire annuler cette mesure, il faudrait une longue procédure devant l’Organisation Mondiale du Commerce ou des négociations bilatérales entre le Mali et le royaume saoudien. Dans l’intervalle, que deviennent les pèlerins maliens de 2014 ?

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